La recherche classique est mise en cause dans ses visées, ses résultats et ses effets, à cause de l’éloignement du terrain. Alors, on opte pour la recherche-action, qui met lien avec la recherche et l’action. Elle s’inscrit dans une vision de la complexité contextualisée, et dont les résultats autorisent une progression tout au long en boucle. Les chercheurs sont à la fois impliqués dans un mouvement va-et-vient du terrain, en prise de recul critique par rapport aux pratiques inscrites dans l’action. Le terrain de la recherche-action est caractérisé par sa complexité, où les sujets sont subjectifs. Ainsi, la recherche-action se vaut explicative et objective de l’observation, mais non pas la neutralisation des faits sociaux à des règles universelles.
- Recherche et action, frères ennemis ?
Hugues Bazin (2006) propose un tableau qui élucide la différence entre la recherche-action et classique :
Recherche-action | Recherche classique | |
Commande | Problématisation du contexte : commande publique | Peu de relation avec les attentes publiques |
Démarrage | Provoquer une situation : réunion des acteurs du terrain | Négocier un accès au « terrain » : rencontre individuelle pour une enquête |
Type de position – relations | Position impliquée, relation égalitaire | Position neutre, relation hiérarchique |
Type de production de connaissance | Connaissance produite en situation | Connaissance par collecte de données |
Efficience du savoir produit et diffusion de la connaissance | Intégration immédiate par les acteurs ; diffusion sur des plates-formes | Nécessiter un corps intermédiaire ; diffusion sous forme de livres, de colloques |
Rapport au temps et analyse de connaissance | Work in progress ; autoévalué ou de manière collective | Période courte ; évalué par des spécialistes |
Transformations réelles | Transmission immédiate | Transmission différée |
Approche épistémologique d’une situation sociale | Complexité de situation (systémique) ; la situation est analyseur de société(microsociologique) | La situation est une somme de relations linéaires de cause à effet (analytique) ; la situation est un objet d’étude (positiviste) |
Objectivité et scientificité | Pas d’hypothèses préalables ; va-et-vient entre l’implication et la distanciation | Répondre les hypothèses préalables ; éviter l’influence de chercheur |
Bref, on insiste sur trois conditions de réalisation d’une recherche-action : elle est conduite par des praticiens ; elle est collaboratives ; on attend des changements.
- Une question d’épistémologie
Derrière la dichotomie recherche classique et recherche-action, il y a deux conceptions du monde.
- Conception positiviste, qui considère que l’univers est fini, véhiculé d’une structure, et par des règles et des normes. Ainsi le monde se dégage d’une hiérarchie interne et de l’ordre d’une causalité.
- Vision du monde ouverte, pense que l’univers n’est pas fini. Le monde est en mouvement perpétuel. L’histoire du monde joue un rôle de contextualisation et témoigne l’évolution.
La recherche-action, inscrit dans la vision du monde ouverte, s’oriente vers l’action, ainsi vers des connaissances contextualisées. Elle vise à un changement, c’est-à-dire à une évolution par rapport à l’histoire.
- Un déroulement par cycles
La recherche-action se caractérise par un fonctionnement cyclique. On se reporte à Stringer (1999 : 18 ; 43-44, 160), qui présente trois moments principaux d’une recherche-action. On le synthétise avec le schéma proposé par Macaire (2010).
- Questionner: s’impliquer dans le terrain, cherches des données et remettre en cause une croyance.
- Expliciter: interpréter et analyser les problèmes du terrains et structure la vision des pratiques.
- Corrélation: résoudre les problèmes.
- Effets attendus de la recherche
On insistera sur la multidimensionalité de la recherche-action, qui ne peut se contente d’une seule entrée, comme le dit Allen : « beacause action research thus adresse whole system issues which are invariably multivariate. » (Allen, 2001, ch. 3). Cette entrée, autrement dit, la situation-problème est parfois donnée (c’est le cas dans la didactique), et parfois sollicité (c’est le cas dans des sciences sociales).
En plus pour bien distinguer la recherche classique de recherche-action, on se reporte à Susman et Evered (1978), qui proposent quatre niveaux de pertinence et de réussite pour deux conceptions.
Recherche-action | Science positive | |
Intentions épistémologiques | Développer des avis pour l’action en vue d’obtenir des résultats souhaités | Définir des notions à partir de jugement |
Accroissement des connaissances | Viser à un changement de situation | Opérer par une stratégie d’induction et de déduction |
Critères de confirmation | Basé sur l’évaluation des effets de l’action | Basé sur une cohérence logique |
Base de généralisation | Résultats liés à la situation | Base large, à valeur universelle et hors du contexte |
Référence
Dominique Macaire, « Recherche-action en didactique des langues et des cultures : changer les pratiques et pratiquer le changement », dans Muriel Molinié (dir.), Démarches Portfolio en didactique des langues et des cultures : enjeux de formation par la recherche-action, Amiens, Encrage, Belles Lettres, 2011.